Sur les traces de ceux qui nous ont précédés à Mouzillon
Les registres paroissiaux donnent une vue étroite de la vie à Mouzillon
Les registres paroissiaux ont l'avantage de nous montrer d'une part l’enchaînement des générations qui se succèdent et d'autre part le tissu familial de la parenté qui lie les membres d'une communauté rurale sur un même territoire.
Cependant les registres paroissiaux ne montrent pas l'activité économique, ni les échanges commerciaux au-delà de la paroisse, ni les évolutions dans la conception de la vie individuelle et collective entre le baptême et la sépulture.
Il est donc nécessaire d'avoir recours à d'autres sources d'informations pour percevoir ce qui s'est passé au XVIIIème siècle à Mouzillon. Les sources sont peu nombreuses; par exemple quelles étaient les gazettes, les journaux locaux qui étaient lues ? Heureusement d'autres avant nous ont cherché des traces pour répondre aux interrogations sur ce que vivaient cette population du XVIIIème siècle aux alentours de Mouzillon.
Dans le domaine économique et commerciale
La "Topographie médicale" rédigée par Michel DUBOUEIX met en évidence, à une dizaine de kilomètre de Mouzillon, la richesse des échanges :
_ deux Suisses qui viennent implanter à Clisson leur entreprise de fabrique d'indienne;
_ la fabrique de papier et de carton située à Antier;
_ les forges dont la production est utilisée aussi bien dans la marine que pour les moulins à sucre d'Amérique;
_ les eaux-de-vie vendues surtout à destination du nord...
Ces échanges économiques se sont nécessairement accompagnés d'échanges culturels qui ont influencé la population environnante.
Le port de Nantes est à 25 kilomètres de Mouzillon
Au XVIIIe siècle le port de Nantes, avec le quai de la Fosse est une centre commercial d'où les bateaux partent pour l'Afrique, pour l'Amérique du Nord et du Sud et y reviennent portant des marchandises et des idées neuves sur la terre, le monde et les hommes.
Ces idées neuves ont circulé bien au-delà du quai de la Fosse et du cercle des armateurs. Les commerçants qui faisaient le parcours Nantes-Mouzillon à pied ou à cheval, où en bateau à partir du Port Domino n'ignoraient pas que leurs interlocuteurs avaient une autre perception du monde et des hommes, une autre expérience de la vie.
dans le domaine religieux
Dans son ouvrage "Histoire de Vallet" Jean de Malestroit présente la mission de Louis-Marie Grignon de Montfort à Vallet en 1708.
L’événement met en valeur certaines distorsions
_ entre le clergé local qui connaît les valletais et les visées pastorales de Louis-Marie Grignon de Montfort qui sont spectaculaires, qui frappent les esprits;
_ entre le détachement de ce pasteur et ses liens avec la famille Barrin de la Galissonnière qui lui servent d'appui pour élever le calvaire près de Fromenteau;
_ entre une perception des humains qui maîtrisent leur destin d'une part et des vérités et des pratiques qui s'imposent à eux d'autre part.
Plus largement, c'est le jansénisme qui fait problème.
Le jansénisme présente une conception de l'être humain qui réduit la place de la liberté dans l’accomplissement du bien et qui insiste sur la primauté de la grâce divine pour obtenir le salut. Les jansénistes se distinguent aussi par leur rigorisme spirituel.
Le jansénisme naît au cœur de la réforme catholique. Il doit son nom à l’évêque d’Ypres, Cornelius Jansen.
En 1713, la pape Clément XI fait publier la La bulle " Unigenitus..." qui condamne cent une propositions qui sont vues comme une somme de la doctrine janséniste.
En 1730, la bulle devient une loi d'État. Les ecclésiastiques n'ayant pas signé le Formulaire ne peuvent dorénavant plus conserver leurs bénéfices ecclésiastiques, qui sont reconnus vacants.
Cette histoire a touché la conception de la royauté absolue, la place de Rome pour l’église catholique ... mais elle a secoué aussi les paroisses de l'ouest de la France.
Dans son ouvrage sur l'histoire de Clisson, Berthou précise que le curé de Mouzillon De la Grue et avec lui d'autres responsables de paroisse constituaient un foyer de jansénisme aux environ de 1730.
" Le chanoine Nezan, du chapitre de Notre-Dame de Clisson,appelant forcené de la bulle Unigenitus à un futur concile, fut le plus ardent propagateur de cette hérésie, et pervertit tout le pays. Ses principaux lieutenants étaient MM. Marion, recteur de Cugand ; Courtin, recteur de Gétigné ; Boutin, dit le diable boiteux, recteur de Boussay ; de Masalve, recteur de la Bruffière, et de La Grue, recteur de Mouzillon. D'ailleurs, la plupart des prêtres du doyenné de Clisson étaient imbus des doctrines de M. de la Noë-Mesnard, directeur de la communauté de Saint-Clément de Nantes, tombée dans le jansénisme [...] Clisson devint donc, vers 1730, un vrai foyer d'hérésie, où accouraient de toute la contrée et même des diocèses de Luçon et de la Rochelle, des frères et des sœurs, désireux de faire des retraites et de s'exciter à la résistance au Pape et aux évêques" Texte cité par Odile HALBERT, dans son site
http://www.odile-halbert.com/Paroisse/Loireat/Clisson/Clisson-et-Monuments.htm
rapportant un écrit de Paul de BERTOU sur "Clisson et ses momuments"
En 1745, une retraite solennelle est prêchée à Clisson par Jésuites, Sulpiciens et Mulotins.
L'unité et la cohésion Les catholiques ne présentaient pas une communauté unie et en cohésion. Ces divisions vont peser sur les esprits.
Yves DURAND a écrit en 1990 un article intitulé "Anticléricalisme et politique dans l'ouest de la France à la fin du XVIIIè siècle"
Il souligne que bien avant 1789, les élites bourgeoises, dans l'ouest de la France, sont en partie gagnées à l'anticléricalisme. A l'appui de sa thèse, il évoque 4 personnages :
1- André Collinet, né à La Chaume, aux Sables d'Olonne, en 1729, issu d'une famille protestante,Il navigua, pêcha la morue à Terre-Neuve; en brumaire IV, il figura au septième rang sur la liste des cinquante noms présentés par le Conseil des Cinq-cents pour y choisir les cinq directeurs".
2- Mercier du Rocher, né en 1753 à La Rochelle. Après des études de droit, il devint avocat. "en 1789, il monte à Paris, se fait recevoir au club des Jacobins. Il est élu député suppléant à la Législative".
3- La Réveillière-LEPEAUX, né en 1753 dont le grand-père était notaire à Montfaucon et le père juge à Montaigu. Il sera élu député du Tiers d'Anjou.
4- Volney est né en 1757, fils d'un sénéchal et avocat de la baronnie de Craon. Il faut pensionnaire au collège d'Ancenis. Il se fera élirr député du Tiers d'Angers aux Etats Généraux.
L'auteur écrit : " Les oratoriens jansénistes, dans leurs collèges de Nantes et d'Angers ont eu pour élèves nombre de bourgeois patriotes de 1789. Ils leur ont probablement transmis leur refus de la mystique propre aux montfortains et aux jésuites [... ] A Nantes, des familles entières d'officiers de justice, avec la corporation des marchands de la Fosse, furent des centres de protestations dont la bulle Unigenitus." [... ] opposition religieuse et opposition politique des cours de justice se mêlèrent de plus en plus étroitement dans l'ouest comme dans le reste du royaume..."
Et il termine par cette citation : "On l'a dit et il faut le répéter, notre révolution n'est pas le fait d'une insurrection, c'est l'ouvrage d'un demi-siècle de Lumières. Les lumières ont fondé la liberté, c'est aux Lumières à la soutenir".